Jésus Carlos de Vilallonga grandit dans un milieu culturellement riche. En 1949, il s’installe à Barcelone et suit des cours à l’École des beaux-arts de Sant Jordi de Barcelone pendant trois ans. Il étudie ensuite à l’École des beaux-arts de Paris où il acquiert la maîtrise de plusieurs techniques artistiques : de l’aquarelle à la fresque. De retour à Barcelone, il reçoit le premier prix d’aquarelle à l’Exposition du Printemps en 1953.
Vilallonga n’échappe pas à la puissante tradition plastique de sa région natale, la Catalogne : le groupe Dau al Set, Gaudi, les fresques romanes. À ses débuts, il adopte rapidement un style qui reflète les influences du fauvisme, de l’expressionnisme allemand et du surréalisme.
À partir du milieu des années 1950, Vilallonga séjourne fréquemment à Montréal et s’intègre au milieu artistique. Il fréquente notamment Roussil, Vaillancourt, Molinari, Mousseau. Il retrouve également Jordi Bonet qui arrive lui aussi au Québec, son atelier étant voisin du sien à Barcelone. Il explore les thèmes urbains, tout en prenant ses distances par rapport à la réalité.
Dans les années 1960, Vilallonga revenant au surréalisme, il recourt au collage et au hasard. Il croit au pouvoir libérateur de l’imaginaire et s’inspire du rêve et de l’étrange. Il juxtapose des réalités fantastiques et quotidiennes. Selon lui, l’homme peut embellir le monde en le rêvant. Parfois, l’artiste maîtrise la composition, parfois la signification lui échappe et il se soumet à la forme. Les scènes deviennent purement symboliques et allégoriques, et offrent de multiples possibilités d’interprétation.
En 1958, l’artiste conclut un contrat d’exclusivité avec la prestigieuse Galerie Dominion à Montréal, contrat qui se terminera avec la fermeture de l’établissement en 2000. Tout au long de sa carrière, il fait de fréquents allers-retours entre l’Europe et Montréal, soit pour étudier, soit pour travailler. Peintre de renommée internationale, il vit maintenant en Catalogne.
Description de l'oeuvre
Sur un fond coloré en petites touches de couleur, deux objets hydrides flottent dans un paysage quasi lunaire ou à tout le moins désertique. Une route semble traverser un désert brun rouge en direction de l’horizon. La route, le ciel et le nuage sombre sont aussi de petites taches polychromes donnant du relief.
À gauche, un bassin antique en marbre, surmonté d’un portrait de femme peint entouré d’un cadre. Ce cadre est fait de coupures de papier journal, le bassin, lui, de fragments d’images de cathédrale gothique collés à l’envers avec des ajouts de peinture à l’huile. À droite, un objet flottant composé d’images de magazines et de photos avec, de nouveau, des ajouts de peinture.
L’artiste combine peinture à l’huile et papiers collés sur de grands panneaux en masonite. Il divise schématiquement le fond en deux zones, un plan pour le sol et un autre pour le ciel. L’ensemble suggère un univers onirique et énigmatique représentatif du travail de l’artiste.
Cette toile immense a d’abord servi pour une représentation théâtrale donnée par les étudiants en espagnol de l’Université de Montréal dans les années 1960. Vilallonga y enseignait alors cette langue et réalisait aussi des décors pour les spectacles étudiants.
Malgré tout, la toile est représentative de la démarche picturale de l’artiste et mérite d’être considérée comme une œuvre à part entière. Sur un fond quasi abstrait, on trouve des éléments iconographiques qui seront chers à l’artiste tout au long de sa carrière. Pensons à la présence féminine et aux objets surréalistes représentés dans un univers onirique et énigmatique. Les scènes sont allégoriques ou symboliques. Comme il le dit lui-même, il peint non pas ce que l’on voit mais ce que l’on ne veut pas voir.
Dans une entrevue, Vilallonga explique son approche: «Je suis incapable d’avoir la moindre inspiration devant une toile blanche. Je la couvre de toutes sortes de couleurs appliquées au pinceau, à la spatule ou au couteau. Je les projette d’en haut ou je les laisse couler. Parfois j’y colle des bouts de tissus que j’ai coloriés à l’avance. Lorsque la toile est entièrement couverte de ces stries, taches, coulures, collages, je l’étudie attentivement et de la forme, de la couleur ou du mariage de plusieurs couleurs, naîtra l’inspiration.»