Annie Thibault est née en 1966 à Hull (Québec). Après des études collégiales en arts et en sciences pures, elle opte finalement pour l’art et obtient un baccalauréat en arts plastiques de l’Université du Québec en Outaouais et une maîtrise en arts visuels de l’Université d’Ottawa . Elle se spécialise ensuite en design graphique à l’Université du Québec à Montréal.
Sa rencontre avec des chercheurs en biologie de l’Université de Montréal, en 1995, marque un tournant important dans sa carrière. Annie Thibault s’inspire de l’univers scientifique, en quête de « pigments vivants », l’artiste s’intéresse d’abord au plancton et aux algues microscopiques. Puis, le phytopathologiste Peter Newman lui fait découvrir le potentiel artistique des moisissures. Faciles à cultiver et sans danger, celles-ci présentent une variété infinie de couleurs et de textures. Depuis, elle conçoit des installations à la croisée de l’art et de la science, en collaboration avec des centres de recherche et d’enseignement en microbiologie au Canada et à l’étranger.
En 1995, Annie Thibault travaille à un projet de laboratoire vivant et itinérant, La chambre des cultures. L’exposition est présentée jusqu’en 2001 dans plusieurs centres d’artistes, tant au Canada qu’à l’étranger. Thibault a notamment exposé au Québec, au Canada, en Finlande, en Espagne et en Angleterre. Citons sa participation récente à l’exposition Intrus/Intruders au Musée national des beaux-arts du Québec (2008-2009) et à Dé-con-structions au Musée des beaux-arts du Canada (2007). Ses œuvres figurent parmi les collections du Musée national des beaux-arts du Québec, de la Ville d’Ottawa et de la Galerie d’art d’Ottawa. Annie Thibault a également réalisé près d’une dizaine d’œuvres intégrées à l’architecture et à l’environnement dont au Cégep de Granby (2011), à la résidence de l’École nationale de cirque de Montréal (2010), à l’Hôpital psychiatrique de Malartic en Abitibi (2010), au service de radio-oncologie de l’Hôpital de Gatineau (2009) et à la bibliothèque municipale de Sainte-Julie.
Description de l'oeuvre
Les pastilles de verre, à la manière de gouttelettes d’eau, renvoient à une ancienne théorie, la panspermie, selon laquelle des spores et des poussières d’étoiles se sont déposées sur la rosée et seraient à l’origine de la vie sur terre. Une légende française prétend que les cultures de champignons tombaient de la lune. On les nommait « purgations d’étoiles », « crachats de lune » ou « crachats du diable ». Mêlant fables, magie et biologie, l’artiste propose une plongée dans l’infiniment petit.
Chaque pastille est unique, faite d’émaux et de poudre d’oxyde colorée fondue dans du verre. Inspirées de vraies cultures, les pastilles dévoilent l’infiniment petit. La surface légèrement bombée rappelle d’ailleurs les boîtes de Pétri dans lesquelles les scientifiques « élèvent » les micro-organismes.
Le mur peint en vert teinte les panneaux de verre sur lesquels les pastilles semblent flotter et s’agglutiner, comme le feraient des organismes vivants dans une boîte de Pétri. Par ailleurs, lorsque l’œuvre est vue de loin, l’emplacement des pastilles sur les plaques de verre, suggère l’image d’une constellation.
L’œuvre évoque sans l’illustrer la vocation de recherche du principal utilisateur du pavillon, l’Institut de recherche en immunovirologie et cancérologie (IRIC).
Annie Thibault trouve important que les œuvres qu’elle réalise dans le cadre du Programme d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement s’inscrivent dans sa démarche artistique. Elle aime ce défi qui lui permet d’explorer de nouvelles avenues de création, malgré les contraintes de permanence et de sécurité qui sont contraires à la spontanéité et à l’éphémérité qu’elle pratique dans son travail d’atelier.
Pour la première fois, Annie Thibault utilise les pastilles de verre pour reproduire les moisissures. Elle reproduit à l’aquarelle les résultats d’ensemencement. Puis, les maîtres verriers voient à fondre les pigments dans le verre non sans avoir fait de nombreuses recherches pour contrôler les réactions des oxydes lors de la cuisson du verre. Pour l’artiste, les pigments fondus dans le verre et les surprises qui en résultent sont une manière de transposer l’organicité de façon permanente.
Ce travail rejoint sa démarche artistique, basée sur l’intuition, la manipulation et… l’erreur. Dans la manipulation du vivant, l’erreur est importante et il faut, aussi bien en science qu’en art, savoir en tirer parti. Cela peut donner lieu à des découvertes importantes : la pénicilline a été découverte par hasard. Les erreurs qu’Annie Thibault nomme « espaces déviants » la mène ailleurs.
On peut aussi rattacher sa démarche au bio-art, un nouveau courant de l’art contemporain où les artistes utilisent le vivant comme mode d’expression.