Né à Sault-Sainte-Marie, Gordon Webber étudie à l’Ontario College of Art (1924-1927) et à l’Art Students League (1928-1930) à Toronto, puis au New Bauhaus (1939-1942) à Chicago, auprès de Lazlo Moholy-Nagy, du Bauhaus allemand en exil. Il s’installe à Montréal en 1943, où il enseigne le design inspiré du Bauhaus à l’École d’architecture de l’université McGill.
Webber professe aussi à l’école d’art du Musée des beaux-arts de Montréal. Très tôt, il s’implique dans le milieu artistique montréalais : en 1948, il cosigne le manifeste d’avant-garde Prisme d’Yeux avec d’autres, dont Alfred Pellan, et en 1949, il témoigne à la Commission Massey, enquêtant sur les arts, lettres et sciences au Canada, aux côtés de Pellan, Dumouchel, Lapalme et De Tonnancour. Il opte pour l’abstraction géométrique dans ses œuvres qu’il expose avec l’Association des artistes non-figuratifs de Montréal et au Musée des beaux-arts de Montréal. Aussi membre du Canadian Group of Painters, il expose au Canada et à l’international.
Méconnu pour son art public, souvent détruit, Webber conçoit quelques œuvres montréalaises et ontariennes abstraites géométriques : sculpture et mosaïques murales en brique, tesselle de verre et céramique ou en vinyle, à la demande d’architectes modernes, dont Parkin Architects, George Eber, Vincent Rother.
Description de l'oeuvre
La mosaïque murale de Gordon Webber réalisée en briques rouges, beiges et brunes se situe en bordure du boulevard Crémazie, sur un mur de l’école primaire Saint-Bernardin, jadis Saint-Bernardin-de-Sienne. Comme il arrive souvent dans le cas de murales abstraites, il peut être difficile de réaliser de prime abord qu’il s’agit d’une œuvre d’un artiste plutôt que d’un simple mur aux briques fortuitement agencées. Cette murale révèle pourtant des aspects novateurs pour l’époque de sa création, en 1958, tant par son esthétique abstraite géométrique que par son processus de production tributaire des préceptes du Bauhaus.
Webber conçoit en effet une œuvre avant-gardiste, avec l’abstraction la plus radicale, celle géométrique et ce, peu de temps après que cette esthétique apparaisse en art public à Montréal. À partir du seul module rectangulaire de la brique, l’artiste compose une mosaïque aux formes orthogonales – à angles droits –, des carrés et des rectangles colorés différemment au gré de la disposition rassemblée ou dispersée des couleurs de la brique. De sorte que l’agencement coloré de ces briques brouille un peu l’organisation des surfaces verticales et horizontales, les rendant moins rigides.
L’originalité de cette murale réside aussi dans le fait que la relation entre Webber et l’architecte moderne Louis J. LaPierre est singulière, bien qu’elle s’apparente à la « collaboration » souhaitée à l’époque entre un artiste et un architecte. Car LaPierre invite Webber, son ancien professeur de design lors de sa formation en architecture à l’université McGill, à esquisser une murale en lui imposant le matériau durable à utiliser : la brique industrielle aux trois couleurs existantes, un des principes fonctionnalistes du Bauhaus. Puis l’architecte convertit le croquis en plan compréhensible par les maçons, qui exécutent l’œuvre avec un grand souci du travail bien fait, affirme-t-il. Ce qui est manifeste, vu la complexité de cette mosaïque. Pour l’architecte LaPierre, l’intégration de l’art à l’architecture inspirée des conceptions du Bauhaus est très importante : il faut susciter la créativité de l’artiste par l’expérimentation de techniques et de matériaux utilitaires, comme la brique, lors de la conception de l’œuvre d’art et travailler avec les ouvriers lors de sa réalisation (Source : LaPierre, 03-11-1995). Cette mosaïque murale de Gordon Webber est donc un exemple exceptionnel d’abstraction géométrique exécutée en brique, un nouveau matériau en art à l’époque.