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5 Oeuvres
Coups de coeur de

Sylvette Babin

Sylvette Babin est directrice de la revue Esse arts + opinions depuis 2002. Elle détient un MFA en Studio Arts de l’Université Concordia et a poursuivi entre 1997 et 2015 une pratique en art performance au cours de laquelle elle a participé à plusieurs événements artistiques au Canada et à l’étranger.

À titre d’autrice, elle a publié dans plusieurs revues, catalogues et livres d’artistes et a agit comme commissaire pour les événements Les Convertibles, produit par Culture pour tous (2006), Infraction 08 (Sète, France, 2008) et de Il Nostro Gusto (Saint-Hyacinthe, 2009).

Elle a également enseigné en Art et Théâtre Urbain au Collège Shawinigan et en Arts visuels et médiatique au Cégep de Saint-Hyacinthe.

Sylvette Babin a siégé à plusieurs reprises sur des comités de pair.e.s, notamment au sein des Conseils des Arts (CAC, CALQ, CAM), au Fonds de recherche sur la société et la culture (FQRSC), au Bureau d’Art Public et pour les Prix du Québec, et a participé à différents comités de consultations.

 

 

Pour visiter le site internet de Esse : https://esse.ca

Michel De Broin
Cette œuvre trompe-l’œil me saisit de plusieurs manières. Au premier coup d’œil, je voyais dans cet arbre courbé une forme de fuite, une torsion improbable pour échapper à la détérioration de l’environnement naturel ou à l’urbanisation. Puis en découvrant que L’Arc est un hommage à la communauté chilienne et au président Salvador Allende, la métaphore de l’individu qui cherche à renouer avec ses origines, à retrouver ses racines, prend tout son sens. En tant que Gaspésienne basée à Montréal, les enjeux de la séparation et de «l’exil» me touchent particulièrement. J’aime imaginer cette rencontre des feuilles, des fruits et des racines comme l’ultime réunion des êtres et des lieux qui nous ont forgés.
Gilbert Boyer
Les cinq disques de granit formant La montagne des jours défient la monumentalité habituelle des œuvres urbaines. Presque invisibles, on les découvre au hasard d’une promenade sur le mont Royal, lorsqu’on est attentif à la surface du sol. J’aime particulièrement cette approche discrète et respectueuse du paysage naturel qui les accueille. En revanche, les petites conversations gravées sur chacune des pierres nous plongent dans des rêveries qui portent loin. C’est dans notre imaginaire que l’œuvre devient monumentale, lorsqu’on entre furtivement dans l’intimité de deux ami.e.s, amoureux ou amoureuses et qu’on se laisse emporter par la poésie des lieux et des mots. «On va passer par le chemin de la dame, je vais te montrer quelque chose / Écoute… faudrait y aller, c’est à la veille de tomber / Tonnerre / De temps en temps, je lève les yeux, il y a le paysage. Comme ça, je fais durer le plaisir / C’est beau non ? Quand je veux lire les dernières pages d’un bon livre, je m’installe ici / Loin / Loin / Loin / Voler au-dessus de la montagne jusqu’à s’endormir» G. Boyer
Bill Vazan
Passionnée par la pétrographie et collectionneuse de roches, je suis attirée par la facture à peine retouchée des sculptures de Bill Vazan qui laisse parler la pierre pour ce qu’elle est. C’est la disposition réfléchie des blocs de granit et les délicates gravures reproduisant des vagues et des embruns qui révèlent l’intervention humaine à l’origine de cette œuvre semblant issue d’un autre âge. Elle m’interpelle aussi par ses liens avec le land art, qui m’a toujours fasciné, et par son invitation à déambuler dans la spirale, à entrer dans le vortex, et à toucher les motifs en creux sur la surface rugueuse (il faut voir les beaux frottis que l’artiste en a faits). D’ailleurs, au risque de soulever d’autres formes de remous sur la question de l’intouchabilité des œuvres d’art, je suis ravie ici de voir des enfants (et parfois des adultes) grimper sur cette sculpture, comme ielles le feraient sur les rochers d’un bord de mer. Quelle belle marque d’intégration de l’art dans le paysage et dans la communauté.
Michel Goulet
Je côtoie cette œuvre plusieurs fois par semaine et chaque fois elle me rappelle l’importance de prendre une pause pour admirer l’ilot de verdure qu’elle surplombe. Mais plus encore, pour moi, Les leçons singulières (tant le volet 2 du Belvédère du parc Lafontaine que le volet 1 de la Place Roy), tout comme les sièges sans fonds de Les enjeux (Théâtre d’Aujourd’hui), me sont toujours apparues comme une revendication de la vocation «non utilitaire» de plusieurs œuvres d’art urbain, un aspect qui m’est très cher. Ici, les chaises de métal, trop froides en hiver, trop chaudes en été, ou trop éloignées les unes des autres pour tenir une conversation intime, se distinguent du mobilier urbain par une prise de position sur la nécessité de préserver une valeur poétique et ludique aux objets que l’on dispose dans la ville. Cela ne les dépouille pas pour autant de leur pouvoir symbolique et de leur capacité à nous faire réfléchir à la question de la rencontre et de la convivialité qu’elles peuvent symboliser. Étrangement, en cette période de pandémie et de distanciation sociale, les chaises disposées ici et là seront peut-être interprétées comme de nouvelles invitations à se parler, même de loin.
Jocelyne Alloucherie
Il faut savoir que cette œuvre est une fontaine, même si je ne l’ai jamais vue en fonction. Tarie, elle n’en est pas moins majestueuse avec ses tables de granit épurées, disposées en parfaite symétrie avec la jonction des deux murs de l’hôpital Notre-Dame et un arbre qu’elles semblent encadrer. Quel bel équilibre entre ces formes géométriques et celles plus anarchiques des branches. J’aime ce petit havre de paix qui invite à la contemplation et au recueillement. J’imagine les gens qui viennent s’y asseoir, probablement des travailleuses et travailleurs de la santé en période de pause, ou encore des personnes en visite d’un proche malade. Peut-être aussi parfois des gens en deuil. Je pense alors à l’effet apaisant que peut avoir le ruissèlement de l’eau sur la surface lisse de la pierre, pendant que fleurit le pommetier, depuis bientôt 30 ans. C’est donc un cri du cœur lancé à tous les propriétaires des œuvres d’art publiques pour assurer le fonctionnement, l’entretien et la pérennité de celles-ci. J’aime me rappeler que cette œuvre est une fontaine et qu’un jour je pourrai enfin entendre le ruissellement de son eau. ** Nous avons été informés que la fontaine à un problème de structure, mais le Ciuss a pour projet de remettre le tout fonctionnel.